maandag 2 juli 2018

Eros et psyché : de l’attirance à l’union


L’histoire d’Eros et de Psyché est une merveilleuse représentation du Chemin de la conscience qui cherche à s’unir à ce qui est plus grand qu’elle, qui s’élève vers le divin, tout en restant très incarné dans le monde.
Voici le conte:

Il était une fois une belle princesse, Psyché, si belle qu’on la comparait souvent à Aphrodite, déesse de l’Amour. Mais celle-ci aurait bien voulu qu’on la demande en mariage plutôt que de la vénérer. Cependant Aphrodite, énervée qu’on veuille prendre sa place, demanda à son fils, Eros, que Psyché tombe amoureuse de l’être le plus monstrueux qui soit. Mais Eros tomba amoureux d’elle et il concocta un stratagème. Psyché fut emmenée par un doux zéphyr dans un palais inconnu incroyablement merveilleux, où tout est en or. On la pare, la restaure, et une voix suave issue d’un être invisible, Eros, lui dit qu’elle est mariée à un être merveilleux mais qu’elle ne doit jamais essayer de le voir à la lumière sous peine de le perdre pour toujours. Elle passe quelques temps ainsi à vivre le jour dans cette demeure, belle mais vide, et à retrouver Eros la nuit, sans voir sa forme humaine pourtant ravissante. Mais un jour, poussée à la fois par l’ennui et par ses soeurs qui prétendent que son époux n’est qu’un horrible monstre qui viendra un jour la dévorer, elle transgresse l’ordre d’Eros, et elle tente de le voir à la lumière de sa bougie, découvrant ainsi le plus bel homme qui soit. Mais en étant dévoilé, Eros disparaît. Il s’ensuivra toute une série d’épreuve pour Psyché qui lui sont imposées par Aphrodite pour retrouver son aimé:

– Elle devra d’abord trier en une soirée un énorme tas de grain, dont elle ne pourra arriver à bout que grâce à l’aide d’une colonie de fourmis.

– Un roseau lui viendra en aide lorsqu’elle devra rapporter à Aphrodite de la laine de la toison d’or de moutons.

– L’aigle de Zeus lui portera secours lorsqu’elle gravira une montagne pour rapporter de l’eau du Styx, le fleuve qui sépare le monde des vivants et celui des morts.

– Elle doit enfin prendre un flacon de la beauté de Perséphone, la déesse des enfers. C’en est trop pour elle, et Psyché préfère se jeter dans le vide du haut d’une tour. Mais là, la tour lui donne des instructions pour surmonter l’épreuve et arriver à amadouer Charon et Cerbère, les gardiens des enfers.

– Mais elle pense que l’onguent de Perséphone lui permettra de reconquérir Eros, ce qui la plonge dans un profond sommeil, semblable à la mort.

Mais l’amour d’Eros sera le plus grand et il la ranimera doucement avec une de ses flèches. Puis, intercédant auprès de Zeus, Eros obtint de ce dernier qu’il les unissent par le mariage, conférant en même temps à Psyché l’immortalité et un statut de déesse. Quelques temps plus tard, de l’union d’Eros et de Psyché naquit Volupté (Edoné en grec), personnification de la volupté, et du plaisir sensuel.

De nombreuses interprétations peuvent être faites cupidon-psychede ce conte raconté par Apulée au IIème siècle de notre ère. Mais celle que je voudrais partager avec vous concerne le développement de la Conscience, Psyché, dans son rapport avec l’impulsion animale de Vie, Eros. Mais qui est Eros ? Dans la mythologie grecque, il possède plusieurs représentations. Parfois il est une divinité primordiale, qui est la force à partir de laquelle le monde va pouvoir engendrer. Il est l’Amour, non encore sexué, qui va accompagner la naissance d’Aphrodite et donc de l’Amour/Désir humain. Mais Eros est aussi le fils d’Aphrodite, version héllénisée d’Ishtar-Astarté, la Grande Déesse, origine de tout. Il est donc à l’origine de la Vie, mais aussi une figure incarnée et visible dans notre vie quotidienne de ce principe d’attraction qui meut les particules, les planètes et les êtres vivants. Eros n’est pas seulement une abstraction des forces physiques mais aussi un vécu personnel de cette attraction qui me pousse à désirer/aimer l’autre. C’est l’élan de l’homme vers la femme ou de la femme vers l’homme, cette attraction qui pousse les adolescents les uns vers les autres, cette force de vie qui entrainent les jeunes adultes à fonder une famille et à avoir des enfants, et qui jusqu’à la fin de notre vie crée cette attirance pour l’autre.

D’un autre côté, Psyché est la conscience ordinaire de l’ego qui vient au monde, cherche l’autre en ayant du mal à le trouver, mais qui ne peut s’unir à la puissance de vie qu’après avoir suivi un long chemin initiatique. Ce parcours évoque ainsi le chemin que devra parcourir le moi humain pour s’ouvrir à la pleine conscience de la Vie. Aphrodite représente ici l’élément tentateur du Divin, qui va mettre le moi à l’épreuve jusqu’à ce qu’il se rende compte de l’erreur de sa vanité.

A l’origine, comme Psyché, l’intellect est perçu comme l’égal des dieux. Mais c’est la vanité de l’ego, qui est en permanence en quête de validation et de valorisation. Mais la Vie, représentée ici par Aphrodite, se charge de nous interpeller en nous demandant d’avancer sur notre chemin. La déesse joue ici le rôle de l’aiguillon du destin qui n’a de cesse de nous interpeller pour nous faire avancer, qui met des épreuves devant nous, pour nous aider à nous dépouiller de toutes nos croyances, nos jugements et nos attachements vis à vis de ce que nous pensons être. Dans ce conte, elle ressemble à Satan dans le livre de Job, qui met à l’épreuve le plus fidèle des croyants. L’un comme l’autre ne sont que les facettes obscures du divin, qui nous placent devant le miroir de notre propre vanité, ce qu’est justement le « miroir de psyché ».

La première étape, lorsqu’elle ne voit pas Eros, est celle, de la vie ordinaire faite de réalisations matérielles, de petites satisfactions sexuelles et amoureuses, mais qui s’avère d’un ennui profond pour notre âme. Car intérieurement, il s’agit d’une simple cohabitation de la conscience du moi, Psyché, et de l’inconscient désirant, Eros. Nous ne sommes pas conscient que nous sommes profondément aimé par un Dieu, et nous sommes en fait insatisfaits dans notre vie quotidienne, même si «nous avons tout pour être heureux». Cela peut durer des années, tant que tout se passe a «peu près bien», c’est-à-dire tant que la puissance de vie reste dans l’ombre et donne quelques satisfactions à la conscience qui peut s’en satisfaire pendant un temps. Pour beaucoup, cette situation ne changera pas. Mais certains, poussés par la curiosité, l’ennui, ou la peur de l’inconnu, vont demander d’aller plus loin. En transgressant l’ordre donné par Eros, Psyché bouscule le train-train de sa vie habituelle, et donne l’impression, pendant un temps de tout perdre, car elle commence juste son chemin d’individuation, que j’appelle souvent simplement «le Chemin» pour décrire ce voyage que l’on fait vers sa propre essence.

L’enjeu n’est plus la cohabitation inconsciente de l’ego et du Soi, mais l’Union de la Conscience et de la puissance de Vie. Démarre alors un long chemin initiatique pour le moi, qui va subir de nombreuses épreuves et vivre des moments difficiles, dont il ne pourra sortir victorieux qu’en faisant confiance aux forces vitales intérieures qui viennent en aide à Psyché sous la forme d’énergies animales (les fourmis) ou de puissances spirituelles (l’aigle de Zeus, qui représente le 3ème oeil). Jusqu’à la Tour, objet minéral dressé représentant le masculin, qui lui permettra de vaincre les gardiens de la mort, au cours d’une pérégrination qui s’apparente aux voyages chamaniques.

Eros et PsychéDernière vanité de l’ego : la croyance qu’un onguent supposé provoquer une beauté spirituelle, pourra l’amener à l’amour d’Eros, à l’union spirituelle. Après toutes ces épreuves, le moi n’a toujours pas compris qu’il ne trouvera pas l’Amour dans un artifice mais que seul, l’humilité et donc la dissolution de l’ego lui ouvrira les portes de l’Amour divin, authentique. Et c’est pourquoi Psyché doit pratiquement mourir pour être ranimée par la Vie, qui l’aime depuis toujours.

La fin de l’histoire est celle d’un apothéose, lorsque Eros et Psyché peuvent enfin s’unir devant Zeus, et atteindre à l’Unité. En cela il s’agit d’une merveilleuse représentation du chemin tantrique, dans lequel le moi vient progressivement à la rencontre du Soi, dans un chemin où les épreuves sont les propres conséquences de nos croyances, de nos blessures et globalement de notre ego qui ne peut s’empêcher de vouloir quelque chose au lieu de s’abandonner à l’amour divin. Mais l’enjeu est de taille, car il s’agit ni plus ni moins que de l’union de notre âme, et de la vie dans la félicité, représenté dans le conte par Volupté, la fille d’Eros, la Vie désirante, et de Psyché, l’esprit devenu Conscience.

(c) Jacques Ferber


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